Victoria LordLouise et le concerto du mont Royal

Une nouvelle aventure pour Louise et son gramophone magique.

Notre entretien
avec l’autrice

Dans cette nouvelle aventure de Louise et son gramophone magique, l’héroïne – et le lecteur – est transportée dans le Montréal de 1949. Est-ce que ç’a été un défi pour vous de vous plonger dans cette époque ? Comment vous y êtes-vous prise ?

J’ai fait énormément de recherches et passé un nombre incalculable d’heures à regarder des photos d’archives! Le mont Royal joue un rôle important dans le récit, j’y suis allée plusieurs fois pour voir la croix et le chalet de plus près, j’ai également arpenté les rues au pied de la montagne pour choisir la maison de Vincent Ferland. J’ai aussi visité l’auditorium du Plateau, qui était la première salle de concert de l’OSM, qu’on appelait à l’époque la Société des concerts symphoniques. Mais le plus grand défi a été au niveau du tramway, que je voulais représenter de la manière la plus réaliste possible. Le numéro 11, qui empruntait ce qui est devenu la voie Camillien-Houde, était différent des autres tramways en raison de la pente abrupte de la montagne. Les véhicules étaient équipés de trois systèmes de freinage et on y retrouvait toujours un garde-moteur et un contrôleur à bord. En visitant l’Exporail, j’ai pu mettre les pieds dans un vrai véhicule et poser mille questions à un spécialiste.

Vous poursuivez l’entreprise déjà amorcée dans Louise et les cowboys du Saint-Laurent (Boréal, 2024), soit de faire découvrir sur un mode ludique différents genres musicaux aux jeunes lecteurs. Or, comme autrice-compositrice-interprète, votre univers musical est beaucoup plus proche de la musique country ou folk que de la musique classique. En cela, l’univers de Louise est le concerto du mont Royal est-il plus loin de vous ? A-t-il été plus difficile à peindre ?

Bien qu’ayant fait partie d’un ensemble vocal dans ma jeunesse, en plus d’avoir appris la clarinette, ma formation musicale s’est arrêtée à quatorze ans! C’est donc un univers plus éloigné du mien, mais grâce à l’aide de Vanessa Blais-Tremblay, professeure en musicologie à l’UQAM, j’ai retrouvé le même plaisir d’écriture que lors du premier tome. Vanessa m’a accompagnée tout au long du processus, j’ai pu valider avec elle ce qui était réaliste (ou pas) dans les différentes versions, lui poser de nombreuses questions. Son accompagnement a été précieux! J’ai aussi fait beaucoup de recherche et les Young People’s Concerts m’ont grandement inspirée. C’est une série d’émissions pour enfants enregistrées dans les années 1950 par Leonard Bernstein et l’Orchestre philharmonique de New York. J’ai également eu la chance d’assister à une fascinante classe de maître donnée par Yannick Nézet-Séguin. Voir un grand maestro à l’œuvre m’a aidée à mieux comprendre les subtilités du rôle de chef d’orchestre.

Au fil des pages, on en apprend aussi beaucoup sur la place des femmes dans le monde de la musique classique. Votre intention, au départ, était-elle de réfléchir à cet enjeu historique ? D’amener Louise dans un territoire plus engagé ?

Non, pas au tout début. C’est au fil de mes lectures que j’ai appris l’existence de la Symphonie féminine de Montréal, un orchestre fondé par deux femmes, Ethel Stark et Madge Bowen. J’ai été fascinée par le parcours de cet ensemble composé de quatre-vingts musiciennes et par la volonté d’Ethel Stark de s’affirmer comme cheffe, à une époque où il était presque impensable pour une femme de diriger un orchestre symphonique. Même en littérature jeunesse, je crois qu’on peut aborder des sujets plus engagés. J’aimais l’idée que Louise prenne conscience du chemin parcouru par les femmes et du rôle joué par les pionnières, tout en influençant elle-même le cours de l’Histoire par son voyage dans le passé.


 

Même en littérature jeunesse, je crois qu’on peut aborder des sujets plus engagés.


 

Une chose est certaine, dans ce roman, vous allez plus franchement du côté du mystère et développez une intrigue plus complexe que vous ne l’aviez fait dans Louise et les cowboys du Saint-Laurent. Était-ce un fantasme d’autrice que de créer un roman à suspense ?

J’avais une scène en tête, celle qui ouvre le roman, où Louise se retrouve perchée sur la croix du mont Royal pour sauver un compositeur célèbre. J’y tenais tellement que j’ai construit toute mon histoire en fonction de ce passage! Je voulais aussi intégrer un antagoniste, un « méchant » qui rende l’aventure de Louise et Charles encore plus palpitante.

Donc je n’irais pas jusqu’à dire que je rêvais d’écrire du suspense, je tenais surtout à créer une histoire qui captiverait les jeunes lecteurs et lectrices, tout en ayant comme trame de fond le monde de la musique classique, qui est bien plus rock’n’roll qu’on le pense!


Livre publié dans la collection « Boréal Junior ».