Sylveline BourionJean-Jacques

La vie de Jean-Jacques Nattiez vue et revue par Sylveline Bourion.

Notre entretien
avec l’autrice

Sans formation de biographe, vous vous êtes soudain lancé dans l’écriture d’une toute première, celle du musicologue Jean-Jacques Nattiez dont vous avez été une des élèves à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Comment cela est-il arrivé, quelle mouche vous aurait piquée au point de tenter l’aventure ?

En vérité, l’initiative ne vient pas de moi. C’est lui qui me commanda ce texte, sans doute désireux de laisser une trace, de son œuvre et de sa vie, autre que purement musicologique comme cela avait uniquement été le cas jusqu’à maintenant, tant dans ses propres écrits que dans ceux de ses commentateurs. Il ne me serait jamais venu à l’idée d’écrire ce texte, si ce n’avait été par défi, pour me confronter à quelque chose dont je n’aurais jamais eu ni l’idée ni l’envie seule. Et puis, je retrouvais là un de mes premiers métiers : écrivain public. Chose dont je parlerai, à propos de laquelle j’écrirai bientôt, tant cette première expérience de l’écriture a été riche, et a engendré la suite.

S’agissant donc d’une écriture de commande, et connaissant votre caractère de battante, vous avez sans doute eu de la difficulté à vous débrouiller avec le sujet Nattiez, ce sujet coutumier pour vous en tant que disciple dont le penchant ne ressemble pourtant pas à l’obédience… Bref, comment avez-vous pu concilier une certaine rigueur biographique avec votre humeur littéraire ?

Il a été tout à fait établi, dès le début de l’aventure, que je garderais un contrôle absolu sur le texte ; et non seulement sur lui mais aussi à propos de l’éditeur auquel je le destinais. Ce qui revient à dire que je gardais le contrôle sur le choix des moments de vie que je présenterais dans l’œuvre, mais aussi sur le ton que je donnerais à leur narration. Il n’était pas question qu’écriture de commande rime avec servilité… même si cette condition a pu causer çà et là quelques heurts avec le « biographé », à l’occasion !

À la biographie classique d’un maître, vous avez préféré le portrait rapproché – en pied – d’un homme, votre Jean-Jacques. Avez-vous le sentiment d’avoir réussi à dévoiler le docte scientifique pour nous en faire voir à la fois et la simplicité et la complexité humaines qui font de lui dans votre ouvrage une figure – on va dire – que vous auriez apprivoisé ?

Ce n’est pas à moi de le dire : une chose est certaine, j’ai voulu avant tout faire un texte littéraire plus qu’académique – en vérité, je n’ai en rien voulu faire un texte académique. Ma proposition de départ a été et est restée de transformer la personne en personnage : cela impliquait d’adjoindre, à ce qu’il a été, ce que moi-même j’ai vu en lui, à la première époque où nous nous sommes connus comme aujourd’hui ; peut-être même d’y ajouter aussi ce que j’aurais voulu voir en lui. En ce sens, mon texte est sans doute à peu près autant une biographie qu’une anti-biographie…


 

Il ne me serait jamais venu à l’idée d’écrire ce texte, si ce n’avait été par défi, pour me confronter à quelque chose dont je n’aurais jamais eu ni l’idée ni l’envie seule.


 

Êtes-vous une lectrice de biographies, et, si oui, quels sont vos modèles dans le genre ?

Point du tout ! Sauf celles écrites par Stefan Zweig (Marie-AntoinetteCastellion contre CalvinFouché, etc.), je n’ai pour ainsi dire jamais lu de biographies. Enfin, non, ce n’est pas vrai : la phrase précédente est, à la relecture, tout à fait fausse. J’ai lu, en réalité, nombre de biographies : celle de Madame Bovary, celle de Thérèse Desqueyroux, celle de Nana, celle de Jean Santeuil, celle de… En vérité, je crois n’avoir jamais lu, du moins dans la définition que je prête à ce genre, que des biographies…


Livre paru dans la collection « Liberté grande ».