Dave Noël Montcalm, général américain

Un nouveau portrait, sans complaisance, du général vaincu devant Québec.

Extrait de l’œuvre

La «drôle de guerre»

Le bassin de Québec est le théâtre d’un premier combat naval le 1er juillet. Ce jour-là, une carcassière escortée par une demi-douzaine de jacobites franchit le bassin de la capitale pour bombarder le camp britannique de la pointe de Lévis. Ce pilonnage fait une dizaine de victimes parmi les hommes de Monckton avant d’être interrompu par l’arrivée de deux frégates sorties du chenal du sud. La flottille française regagne sans encombre les battures de Beauport au moment où les escarmouches reprennent entre les soldats britanniques et un détachement de guerriers autochtones, de miliciens canadiens et de soldats français postés sur les hauteurs boisées de la rive sud. Montcalm veut à nouveau y envoyer des renforts. Le 2 juillet, il fait entrer Montbeillard dans son cabinet pour lui dicter un projet d’expédition qui sera plus tard rejeté par Vaudreuil. Pendant ce temps, Wolfe parachève les retranchements du bout de l’île d’Orléans et de la pointe de Lévis où sont installés des hôpitaux de campagne. Contraint à l’inaction, Montcalm complète sa ligne de défense en ordonnant la construction d’ouvrages supplémentaires à l’embouchure des rivières Beauport et Saint-Charles. Il renforce sa droite en y transférant les 500 Canadiens du corps d’élite de Repentigny et les cavaliers de La Rochebeaucourt. La cavalerie sera plus utile dans la plaine de la Canardière où elle pourra se déployer, contrairement aux hauteurs désormais retranchées de la Montmorency.

Cette guerre de positions met les nerfs à vif. Le 5 juillet, Montcalm se rend à Québec pour rassurer les milices bourgeoises qui redoutent un bombardement britannique à partir de la pointe de Lévis. «La milice paraît peu disposée, écrit Montbeillard, outre la propension à la mutinerie, elle se plaignait avec raison que, faisant un service plus vif qu’à l’armée [de Beauport], on ne lui donnait qu’une demi-livre de pain. On lui a accordé la ration. Ils demandent un équipement et ont encore raison, ajoute le capitaine d’artillerie. Le marquis de Vaudreuil, dit-on, n’en a jamais donné aux garnisons dans le Canada et il a fallu beaucoup de logique pour lui faire comprendre qu’on ne pouvait appeler garnison ordinaire des milices qui sont au moment d’être bombardées et canonnées. » Alors qu’il s’apprête à regagner le camp, Montcalm constate l’agitation des miliciens. Il s’arrête pour les encourager une dernière fois tout en menaçant de faire pendre l’un d’entre eux avant de quitter la ville. «Il leur a dit de bonnes raisons et tous ont crié: Vive le Roi!» rapporte Montbeillard.

Le nombre de voiles britanniques augmente de jour en jour dans le bassin de Québec. Une nouvelle canonnade y éclate le 6 juillet entre le Diable et quelques frégates de la Navy soutenues par un vaisseau. En dépit de leur puissance de feu, les navires de Saunders sont incapables d’atteindre la batterie française de l’embouchure de la rivière Beauport et les jacobites qui manœuvrent dans leur angle mort. Le 8 juillet, une frégate se détache de la flotte britannique pour prendre position à proximité de la chute Montmorency, à l’entrée du chenal nord de l’île d’Orléans. Elle fait feu sur les troupes de Lévis jusqu’au coucher du soleil. La manœuvre permet de masquer le débarquement des grenadiers de Wolfe et des soldats de la brigade de Townshend sur la côte de Beaupré, à un peu plus d’un kilomètre en aval.


 

Alors qu’il s’apprête à regagner le camp, Montcalm constate l’agitation des miliciens. Il s’arrête pour les encourager une dernière fois tout en menaçant de faire pendre l’un d’entre eux avant de quitter la ville.


 

Montcalm veut lancer une grande offensive contre les troupes de Wolfe en passant par les gués de la Montmorency. Au soir du 9 juillet, il écrit à Lévis pour lui proposer deux ordres de bataille. Le premier consisterait à attaquer rapidement avec les guerriers et avec les volontaires soutenus par les miliciens montréalais. Le second projet prévoit la concentration de la quasi totalité des forces du camp de Beauport sur la Montmorency, à l’exception de 3 000 hommes laissés à la garde de la Canardière. Montcalm est même prêt à réduire ce corps d’observation à moins d’un millier de combattants. L’armée quitterait ses bases à compter de 22 h pour franchir les trois principaux gués de la Montmorency à l’aube du 10 juillet. Avant de soumettre son projet à Vaudreuil, Montcalm veut obtenir le soutien de Lévis, qu’il juge nécessaire pour convaincre le gouverneur. Le conseil de guerre tenu par Vaudreuil préconise la prudence. On se contente d’envoyer un détachement de troupes légères à l’attaque des avant-postes britanniques de la côte de Beaupré. Tombé sur une compagnie de Rangers, le détachement francoamérindien fait une vingtaine de morts et de blessés avant de regagner Beauport sous le feu de l’ennemi.

Wolfe est rejoint dans le courant du 10 juillet par la plus grande partie de la brigade de Murray, ce qui porte ses effectifs à près de 5 000 hommes. Le lendemain, Montcalm adapte son dispositif de défense en renforçant la gauche et le centre de sa ligne pour mieux soutenir le chevalier de Lévis en cas d’attaque par les gués de la Montmorency. Il laisse le bataillon de Languedoc et la brigade de Québec dans la plaine de la Canardière aux ordres de Vaudreuil, qui peut compter sur Bougainville pour mener ses unités au combat. «Quand même vous apprendriez la ville emportée d’assaut, il ne faut pas m’en écrire mais marcher, prévient Montcalm dans une lettre au colonel, [le bataillon de] Languedoc à la tête [des troupes] pour la reprendre.» Alors que deux des trois brigades de l’armée britannique se rassemblent à l’est de la Montmorency, Vaudreuil se détourne soudainement du front de la côte de Beaupré. Il s’est rallié à un projet d’expédition lancé par les milices de la ville de Québec, qui souhaitent démolir les batteries de la pointe de Lévis avant qu’elles n’ouvrent le feu sur la capitale. L’expédition est confiée au major Dumas, des troupes de la Marine. À la tête de 1 500 combattants, le vainqueur de la Monongahela gagne d’abord l’entrée de la rivière du Cap-Rouge, où il s’embarque à bord d’une quarantaine de bateaux. La petite armée effectue sa descente sur la rive sud dans la nuit du 12 au 13 juillet, en amont du camp de la brigade de Monckton. Les guerriers autochtones ouvrent la marche, suivis d’un détachement de soldats des troupes de terre et de la plus grande partie des milices bourgeoises de la capitale, y compris un peloton de séminaristes. Leur progression est rapidement interrompue par une terreur panique des Canadiens, qui tirent accidentellement dans le dos de leur avant-garde. Se croyant découvert, Dumas regagne Québec au terme de la fusillade. On qualifie dès lors l’expédition manquée de «coup des écoliers» en référence aux séminaristes.


 

Livre publié dans la collection « Boréal compact ».