Renée DupuisLa Question des Premières Nations au Canada

Trente ans après la crise d’Oka, une édition mise à jour de ce livre incontournable.

Extrait de l’œuvre

Introduction 

Ce livre a fait l’objet d’une première édition en 1991 sous le titre La Question indienne au Canada, au lendemain de ce qui est connu comme la « crise d’Oka » survenue durant l’été 1990 au Québec. « Quel est le problème des Indiens ? » m’a demandé, à l’automne suivant, mon éditeur qui me proposait de répondre à cette interrogation dans un livre synthèse. La seule condition que j’ai posée est que la question figure dans le titre. Trente ans ont passé et une nouvelle édition s’imposait pour rendre compte de l’évolution de la question. Le titre a été modifié pour refléter les changements des perceptions et de terminologie qui en ont découlé. En 2023, de nouvelles appellations coexistent avec d’autres qui peuvent paraître dépassées, ce qui ajoute à la complexité de la question.

Entre le XVe siècle et le XXe siècle, les Premières Nations sont passées du statut de tribus indiennes au statut de peuples autochtones au Canada. Le remplacement du terme Indien(s), encore utilisé dans les textes juridiques, par le terme Premières Nations, choisi par celles-ci dans les années 1980 pour se désigner elles-mêmes, en est un autre exemple. Même le ministère des Affaires indiennes, devenu le ministère des Services aux Autochtones en 2019, a renoncé à l’usage du terme qui l’avait défini pendant plus d’un siècle. Cette coexistence terminologique illustre la transition que nous traversons. Pour des raisons de clarté et pour faciliter la recherche, j’ai choisi, selon le contexte, d’utiliser les termes figurant dans les textes historiques et contemporains. Autrement, j’utilise le terme Première Nation.


 

Trente ans ont passé et une nouvelle édition s’imposait pour rendre compte de l’évolution de la question.

Extrait du texte


 

Alors qu’on croyait au cours du XXe siècle que le « problème indien » était réglé, les années 1970 ont été marquées par un nouveau souffle dans les luttes des Premières Nations entre autres pour la reconnaissance de leur droit de se gouverner et pour obtenir la réparation de torts très anciens. Leurs actions menées à la fois au Canada et sur le plan international sont à l’origine de deux phénomènes déterminants : la reconnaissance constitutionnelle de droits à des peuples autochtones au Canada en 1982 et l’adoption par l’Assemblée générale de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en 2007. D’abord considérée comme un phénomène particulier au Québec, la crise d’Oka-Kanesatake à l’été 1990 est en fait la première d’une série d’événements violents qui se sont déroulés depuis, dans plusieurs autres provinces du Canada. Il apparaît clairement qu’il ne s’agissait pas simplement d’incidents isolés, mais plutôt de la partie la plus visible d’un vaste mouvement de renaissance du nationalisme autochtone à l’échelle mondiale qui a gagné une plus large audience auprès de la communauté internationale. On commence à en mesurer les conséquences politiques sur nos sociétés. Cet ouvrage traite des Premières Nations à l’exclusion des autres peuples autochtones : Inuits et Métis. Ce livre veut préciser les termes de la question le plus clairement possible. Nous verrons qu’ils sont très différents, selon qu’ils sont posés par les gouvernements ou par les Premières Nations. La Question des Premières Nations au Canada ne se veut ni une étude ethnologique ni un portrait sociologique de ces communautés, mais un instrument qui permettra de comprendre la nature de ce qu’on a qualifié de leurs revendications, les mécanismes mis en place pour y répondre et les enjeux pour notre avenir collectif.


Livre publié dans la collection « Boréal Express ».