Brigitte VaillancourtDroit vers le soleil

La liberté, coûte que coûte.

Notre entretien
avec l’autrice

Mère, conjointe, amie, fille, sœur, employée : la narratrice se sent prisonnière des différents rôles de sa vie qui exigent toujours quelque chose d’elle.  Croyez-vous que la liberté au sens large soit encore difficilement accessible à la femme d’aujourd’hui ?

Se sentir libre dans l’absolu m’apparait compliqué. Encore plus pour les femmes. La narratrice de Droit vers le soleil cherche à s’extirper d’une identité figée par son couple monogame, elle qui a longuement habité la sphère domestique tout en endossant un rôle de femme raisonnable, stable, fidèle. Des choix conditionnés par toutes sortes de prescriptions sociales. Son premier espace de liberté à conquérir est celui de la sexualité. Elle se retrouve en pleine mue, une métamorphose faite d’ivresse et de renoncements, puis de prises de conscience d’autres espaces de liberté à défricher. À travers cette quête, j’ai voulu raconter une autre histoire que celle d’une infidélité qui se conclue par une séparation hostile en me penchant sur des voies relationnelles différentes et sur la possibilité de continuer à aimer l’autre, même quand le modèle initial ne fonctionne plus.

Après un roman et un recueil de poésie pour les jeunes, Droit vers le soleil amorçait votre carrière dans la littérature pour adultes. Comment avez-vous vécu cette transition ?

Ce sont deux univers qui se répondent et forment un ensemble. Je cherche dans mon adolescence, une période tumultueuse et fondatrice, des indices de l’adulte en devenir, des réponses. Les souvenirs sont entêtants. Ils sont pour la plupart fragmentaires, possiblement peu fiables, mais j’y reviens constamment. J’ai parfois l’impression d’y être à nouveau, même si je suis consciente de les revisiter avec des filtres et des biais, sachant que je ne pourrais plus jamais habiter mon corps d’avant, m’exprimer et réfléchir comme lorsque j’étais ado. Ça devient un travail d’interprétation. Ainsi, ma démarche d’écriture qui en est une de quête de sens demeure sensiblement la même, peu importe à qui je m’adresse.


 

Je cherche dans mon adolescence, une période tumultueuse et fondatrice, des indices de l’adulte en devenir, des réponses.

Extrait de l’entretien


 

On peut sentir que vous utilisez un matériau autobiographique dans l’écriture de ce roman. Comment voyez-vous la relation entre l’écriture de la fiction et l’écriture de soi ?

Je me souviens m’être fait dire : le premier roman est toujours autobiographique. Sous-entendu : le « vrai » travail d’écriture viendra plus tard. J’ai poursuivi dans la même voie en usant toutefois de subterfuges, de cachettes. Jusqu’à l’écriture parallèle de Saison chaude et de Droit vers le soleil où l’intime, ce matériau malléable, est exploré consciemment. Il y a cependant de tout dans cette démarche. Je puise dans ce qui m’entoure, ce que je vis et observe. Dans ce qui aiguise ma sensibilité. Ensuite, je joue avec des images qui deviennent des tableaux compacts. Je les soigne longuement. C’est de cette manière que je travaille, que je façonne le réel.