Notre entretien
avec l’autrice
Votre expérience dans la profession juridique semble avoir été parsemée d’obstacles. Comment avez-vous fait pour survivre pendant un demi-siècle à la pratique du droit, et pour y connaître également d’aussi éclatants succès?
Le milieu juridique reflète la société à une époque donnée. C’est un milieu considéré comme conservateur. C’était le cas dans les années 1970 quand j’y suis entrée. Comme les lois dans une société démocratiques reposent sur des valeurs sociales qui font consensus à un moment donné, si on veut changer ces valeurs, il faut s’intéresser au droit et faire changer les lois. C’est à cette tâche que je me suis attelée pour faire reconnaître le droit à l’égalité des femmes, des groupes marginalisés et discriminés (locataires de chambres, comités de citoyens, etc.) et les droits particuliers des Premières Nations. Beaucoup reste à faire. C’est ce qui m’a amenée à me dire que de toute façon je travaille pour l’an 4000, sachant très bien que je n’y serai plus, de telle sorte que c’est moins déprimant chaque matin quand je me lève.
Dans ce récit qui est essentiellement une autobiographie professionnelle, vous faites néanmoins la part belle aux événements – accouchements, congés de maternité, temps consacré à l’accompagnement des enfants ou des parents en fin de vie – qu’on associe généralement à la vie des femmes. Cette « conciliation » des sphères publique et privée a-t-elle représenté un défi pour vous?
Ma vie de femme se décline en plusieurs volets qui sont tous imbriqués les uns dans les autres. C’est mon choix et je l’assume, sachant très bien que c’est un défi important pour toutes les femmes encore au 21e siècle. Les femmes doivent continuer à forcer le respect alors que la société n’est toujours pas prête à reconnaître la contribution des femmes dans des systèmes de travail qui leur permettent de se réaliser entièrement.
Ma vie de femme se décline en plusieurs volets qui sont tous imbriqués les uns dans les autres.
Extrait de l’entretien
Vous avez travaillé pendant de nombreuses décennies en étroit contact avec les Premières Nations. Celles-ci sont fort heureusement beaucoup plus visibles aujourd’hui. Toutefois, nous avons parfois l’impression que leurs problèmes sont plus complexes que jamais et qu’aucune véritable solution n’est en vue. À quoi attribuez-vous cela?
La reconnaissance des droits des Premières Nations entraîne des changements majeurs dans l’organisation politique, économique et sociale. La discrimination passée et celle qui perdure à leur endroit est inscrite dans nos régimes juridiques et politiques et beaucoup de personnes ont pensé qu’il serait possible d’ignorer les effets délétères des règles qui leur ont été imposées. Plus longue la résistance à reconnaître cette vérité, plus complexe la question deviendra et plus loin apparaîtra la nécessaire réconciliation avec elles.