Extrait de l’œuvre
je pratique l’hygiène du deuil, ma mère,
j’habite la vapeur acide de ton absence, je
fréquente l’image de tes poings affrontant
la terre, le ciel, leur perte
mon visage porte tes rides avec une grise
prestance, ton héritage, un orgueil miroir
aux reflets qui s’insultent
quatre ans le cœur dans un étui et j’ignore
comment revenir: je n’ai plus l’alibi de la
jeunesse et pas encore la dignité du mourant,
je n’ai que doute et honte et trop peu d’épaules
à offrir
longtemps j’ai réparé l’avenir: ta fin, je l’avais
écrite, souhaitant faire du réel un ennemi à la
mesure de ma faiblesse, un jardin où les fleurs
se trompent
je me suis parfois réfugié à l’intérieur de mon
nom, il existe plus que moi, il cultive mes
punitions par la mémoire, les erreurs qui
m’ont contraint à rêver seul
encore j’hésite et récolte de courtes phrases,
racines de roches prêtes à exciter la chute – je
me saisis d’un mot, jamais le bon, jamais assez
féroce pour contrer la parole, son piétinement
d’enfant gâté – tu m’excuseras, je m’en remets
à des symboles surannés, épuisé d’être l’ultime
gardien de ton silence
quatre ans de mars, ma mère, ma morte et je
n’attends rien du printemps, je déteste sa
boue comme sa poussière, je suis une rumeur
d’automne clouée aux arbres noirs dans la
blancheur de l’air
un tournis à la fois, j’ai appris à m’effacer, à
m’asseoir en moi, à devenir le clandestin qui
se nourrit de sel et d’injures