Extrait
C’est dans ma poitrine que j’écris
perdu coulant dans mon propre sang
entre des vases de fleurs et des visages de femmes
je sors très peu
je passe mes journées en dedans de mes côtes
et quand je voyage je descends dans mon ventre
au plus profond des voix
rejoindre la nageuse de lumière
qui s’étend dans les puits
parfois le matin il fait soleil dans mes veines
je me lève dans moi et bien assis sur mes os
je compose des gestes plus vifs que les oiseaux
avec des mots plus vrais que les mots de la mémoire
rarement je monte jusque dans ma tête
je ne me reconnais pas dans ma tête
tant de gens s’y bousculent sans se nommer
puis la mémoire est là
comme un gros chat qui fouille
pourtant j’en connais beaucoup qui écrivent
debout dans leur cervelle
et qui pressent leur jeunesse
et qui forcent les coffres du sang
et qui percent les seins des filles comme des œufs
moi c’est dans ma poitrine que j’écris
un bien dur métier
que de travailler assis entre le cœur et le ventre
les gens vous trouvent un visage de linge
sans savoir que vous portez pour eux
tout le poids de vos yeux dans des couloirs nouveaux
Livre publié dans la collection « Boréal compact ».