Éditorial
Les nombreux lecteurs du mot de l’éditeur seront surpris de ne pas retrouver la plume de Jean Bernier. En ces temps où une absence non justifiée peut rapidement mener aux supputations les plus folles et aux photos truquées, je tiens toutefois à les rassurer : notre directeur littéraire est en pleine forme. Habitué qu’il est à faire écrire les autres, il a généreusement décidé de me laisser le champ libre cette fois-ci.
C’est donc au retour du Salon du livre de Trois-Rivières que le texte que vous lisez a pris forme. Tandis qu’une tempête que l’on n’attendait plus balayait l’A40, le soleil a tout à coup repris ses droits quelque part entre Joliette et Repentigny pour illuminer les champs enneigés. Une volée de bernaches a alors survolé l’autoroute, suivie, peu après, d’un pygargue à tête blanche. Vision majestueuse, à tel point que je me suis demandé si je ne l’avais pas inventée. Était-ce l’univers romanesque de Louis Hamelin, avec qui je venais de discuter, qui se manifestait devant moi? Se pouvait-il que les canards de Dany Laferrière, qui poussent comme des champignons dans les librairies du Québec en ce moment, m’aient jeté quelque sort aviaire, sous l’influence du dieu-trickster Legba?
Toujours est-il que la scène m’a ému tout en faisant écho en moi à l’émotion ressentie le matin même, quand, après avoir fendu la foule impatiente du salon comme on fend la tempête, j’ai découvert le stand du Boréal. Le public ne s’en rend peut-être pas compte, mais les éditeurs ont rarement l’occasion d’embrasser d’un seul regard l’ensemble des parutions de leur saison littéraire. C’est ce que permettent les salons du livre, et voilà pourquoi que je les aime tant.
Ce matin-là, ce que j’ai vu m’a particulièrement plu. Sur une douzaine de tablettes s’étendait toute la diversité qui fait la richesse de notre catalogue depuis maintenant soixante (et un) ans : des écrivains historiques de la maison côtoyaient de jeunes nouveaux, en littérature ou au sein du Boréal; les romans, les récits, les recueils de nouvelles et de poèmes se mariaient aux essais et aux œuvres pour la jeunesse, en langue originale comme en traduction; le fonds, qui forme la mémoire et l’histoire de notre culture, rivalisait avec les nouveautés. Cette diversité, vous aurez le plaisir de la découvrir à votre tour en feuilletant les pages numériques de ce Boréal Express.
Le public ne s’en rend peut-être pas compte, mais les éditeurs ont rarement l’occasion d’embrasser d’un seul regard l’ensemble des parutions de leur saison littéraire. C’est ce que permettent les salons du livre, et voilà pourquoi que je les aime tant.
Je vous ai dit plus haut que j’aimais particulièrement les salons du livre. Cela tombe bien! Le mois d’avril nous en offre deux en simultané. Tandis qu’une partie de notre équipe se rendra à Québec pour accompagner nos auteurs de la saison et aller à la rencontre des lecteurs de la capitale nationale, l’autre aura rendez-vous à quelques mètres de la tour Eiffel, au Festival du livre de Paris, où le Québec est cette année invité d’honneur. Au programme : rencontres avec des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires français et, bien sûr, avec le public parisien pour leur faire connaître la vitalité de notre littérature.
L’immortel Dany Laferrière sera bien sûr des nôtres, tout comme Akos Verboczy – dont le plus récent roman, La Maison de mon père, connaît un très beau succès outre-Atlantique –, ainsi qu’Éric Bédard et André Marois. Sur place, nous n’oublierons pas qu’il y a vingt-cinq ans, c’est notre ancien directeur général, Pascal Assathiany, qui avait été le chef d’orchestre de la première invitation d’honneur du Québec à Paris : une vitrine exceptionnelle pour la littérature d’ici dont nous récoltons encore les fruits aujourd’hui.
Pour un éditeur, « tenir salon » revient moins à dire des banalités dans un cocktail, un verre de vin médiocre à la main, qu’à présenter avec fierté les livres qui l’occupent au quotidien et auxquels des auteurs ont consacré des années de leur vie. En ce sens, il n’y a assurément pas que Paris qui est une fête.