Notre entretien
avec l’auteur
Comment avez-vous abordé l’écriture de ce recueil, vous qui aviez jusqu’ici publié des nouvelles et des romans pour adultes? Et quoi la poésie – et, par ailleurs, l’écriture pour la jeunesse – vous a-t-elle permis d’explorer de nouvelles zones dans la création?
La poésie a été une sorte de retour aux sources, puisque c’est par ce genre littéraire que tout a commencé, à l’adolescence. Cela dit, mon approche n’a pas vraiment changé pour ce projet, que j’ai conçu comme une fiction poétique où j’ai essayé de dire vrai, le plus vrai possible. À mes yeux, la différence essentielle de Projet personnel, par rapport à mes livres précédents, tient au fait qu’un adolescent en est le sujet principal.
La structure du recueil attire aussitôt l’attention. Chaque partie, composée d’un seul long poème, porte le nom d’une matière scolaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix?
Le besoin de structurer mon projet a orienté ce choix de m’inspirer du cadre scolaire, dont je garde un souvenir de rigidité assez forte. Le vocabulaire propre à chaque matière a inspiré le réseau des images qui composent le poème correspondant, et la richesse des différentes thématiques m’est vite apparue comme très stimulante. Le second moteur des poèmes tient à la forme interrogative : chacun commence par une question, qui est ensuite répétée plusieurs fois et sert à le relancer dans une nouvelle direction.
Le poète, me semble-t-il, nous invite à voir le monde autrement – ou à le voir mieux.
Extrait de l’entretien
À la lecture de Projet personnel, on a parfois l’impression que vous vous adressez, adulte, à l’adolescent que vous avez été. Cette impression est-elle juste? Quel regard portez-vous sur votre adolescence?
Le protagoniste de Projet personnel est sans doute un double de moi-même, dont j’aurais accentué ou adouci les traits, mais il n’en est pas moins un personnage de fiction. En outre, il me semble que chaque adolescence est multiple. Il y a un monde qui sépare ma personne à douze ans et celui que j’étais devenu à la fin du secondaire. Je trouve donc difficile de porter un regard sur une telle période de transformation sans la simplifier. Néanmoins, la constante en est probablement un sentiment de solitude.
Le recueil se termine sur un grand élan poétique, le « projet personnel » du titre, dans lequel on entend une puissante injonction à vivre, à faire fi des attentes de la société, à tracer son propre chemin. C’est aussi le moment où le protagoniste fait une sorte de coming out, assumant pour la première fois sa parole en public, devant toute l’école. Est-ce le rôle du poète, justement, que de vivre en-dehors des codes, des attentes?
Le poète, me semble-t-il, nous invite à voir le monde autrement – ou à le voir mieux. Il s’affranchit en outre des codes de la langue commune pour en créer une qui lui soit personnelle. Il fait donc œuvre d’invention, de liberté, et nous permet d’envisager notre vie de la même manière.
Livre publié dans la collection « Brise-glace ».