Marie-Louise Gay et David HomelEscapades à Cuba

Pour le jeune Charlie, Cuba est un choc,
mais Cuba est aussi une fête.

Extrait

Notre taxi s’est arrêté sur une grande place, à côté de celui de Mercedes. Les immeubles étaient décorés de colonnes et de dômes et d’ornements de pierre. De l’or recouvrait certains des dômes.

— Plaza Vieja, a dit notre chauffeur.

La place portait bien son nom. Elle était très vieille, avec une fontaine au milieu. C’était tôt le matin, et déjà un groupe de musiciens jouait près de la fontaine, qui éclaboussait les gens dansant paresseusement à proximité.

Nous sommes descendus de la remorque, et un couple a pris notre place : une vieille dame vêtue d’une longue robe de mariée blanche, et un vieil homme qui portait un chapeau de paille et fumait un cigare.

Nous avons longé une petite rue vers un grand portail de pierre qui ressemblait à l’entrée d’un château.

Était-ce bien une école? Nous avons pénétré dans un jardin rempli de fleurs et de palmiers. Des oiseaux chantaient à tue-tête, comme s’ils se livraient une concurrence acharnée. Sous la supervision de deux enseignantes, une douzaine d’écoliers nous attendaient, assis à une longue table à l’ombre des arbres.


Était-ce bien une école? Nous avons pénétré dans un jardin rempli de fleurs et de palmiers. Des oiseaux chantaient à tue-tête, comme s’ils se livraient une concurrence acharnée.

Extrait du livre


Quelle chance de faire l’école dehors en plein milieu de l’hiver!

Tandis que nous nous approchions de la table, les enfants se sont levés d’un bond et ont dit en chœur:

Buenos días, Señora.

Pendant un instant, ma mère a figé comme un chevreuil pétrifié par les phares d’une voiture.

Puis elle a eu une idée. Elle a dit aux enfants qu’elle ne parlait pas très bien l’espagnol, et qu’elle aurait besoin qu’ils lui donnent un coup de main.

Ce n’était pas juste une bonne idée. C’était un éclair de génie. Tous les enfants que je connais adorent corriger leurs enseignants – et leurs parents aussi, d’ailleurs.

Ma mère leur a lu un de ses livres, en traduction espagnole. Ça aussi, c’était bien joué, car elle n’a pas eu à trouver ses mots. Ils étaient tous déjà là, sur la page.

Puis elle a eu un troisième coup de génie. Tout le monde sait qu’une image vaut mille mots. Alors elle a sorti de longs rouleaux de papier qu’elle avait apportés et en a recouvert la table comme d’une nappe. Puis elle a sorti des crayons feutres et a demandé aux enfants de dessiner leur famille.


Mercedes avait dit que les écoliers étaient désobéissants et indisciplinés. Ce n’est pas l’impression que j’ai eue. Ils n’ont pas touché les feutres avant que ma mère leur en donne la permission.

Extrait du livre


Mercedes avait dit que les écoliers étaient désobéissants et indisciplinés. Ce n’est pas l’impression que j’ai eue. Ils n’ont pas touché les feutres avant que ma mère leur en donne la permission. Et quand ils se sont mis à dessiner, ils n’ont utilisé qu’un petit bout du papier qui se trouvait devant eux.

Peut-être qu’ils avaient peur de prendre trop de place ou de gaspiller le papier. Peut-être qu’ils n’avaient pas beaucoup de matériel scolaire. Je ne voyais pas de trousses à crayons ni de livres sur la table.

Certains d’entre eux avaient vraiment une drôle de famille. Une fille a dessiné seulement des cages avec des oiseaux à l’intérieur. Le garçon assis près d’elle a dessiné une grosse voiture-paquebot comme celles qu’on voyait dans la rue. Un autre s’est représenté grand comme un géant, entouré du reste de sa famille qui lui arrivait aux genoux.

Ma mère circulait derrière les rangées d’enfants et les félicitait de leurs beaux dessins. «Más grande», leur disait-elle, pour les convaincre d’utiliser toute la largeur du papier.

La plupart des enfants s’en tenaient à leur petit espace sur le papier. Puis soudain, tout a changé. Le garçon qui s’était dessiné en géant s’est levé, a rapproché sa chaise de la table et s’est mis à genoux sur le siège. Il s’est mis à dessiner un immense portrait de lui-même – ou peut-être était-ce un monstre extraterrestre – qui s’étendait jusqu’à la moitié de la feuille.

Quand les autres enfants ont vu ce qu’il faisait, ils ont saisi leurs feutres. En un rien de temps, le long rouleau de papier s’est transformé en une explosion de couleurs et de formes et de familles étranges – certaines dans leur maison, d’autres sur des motos, ou en lévitation au-dessus de la mer. Les enseignantes n’en croyaient pas leurs yeux.

À mon école, les enfants se seraient mis à se pousser, à se chamailler et à se moquer des dessins des autres, ou à se chicaner pour avoir les meilleurs feutres. Mais ici, les plus vieux aidaient les plus jeunes, qui commençaient seulement à apprendre à dessiner.

À la fin de la matinée, nous avions un immense portrait de famille sur plusieurs rouleaux de papier.


Traduit de l’anglais (Canada) par Luba Markovskaia.
Livre publié dans la collection « Boréal Junior ».