Notre entretien
avec Catherine Genest
Comment décririez-vous la véritable Guylaine Guy, celle sur qui porte votre roman La Princesse du rythme?
J’ai rencontré cette femme à deux reprises et elle m’a fait un fort effet. C’est une battante, une fille qui n’a pas eu peur de rêver, de se donner de l’envergure. Ma lecture du personnage est subjective, forcément, mais le fruit de mes recherches dans les archives et les conversations que j’ai eues en personne avec Guylaine me laissent croire à une femme qui combat les inégalités à bras-le-corps. Et, en ce sens, elle est vraiment une source d’inspiration pour moi. Quand je doute, que je rencontre des difficultés dans ma vie professionnelle, je me demande souvent: «Qu’est-ce que Guylaine ferait?» Les réponses que j’en tire me guident.
Bien qu’étant journaliste, vous avez choisi la fiction pour écrire la vie de ce personnage. Quelles possibilités vous offrait le roman par rapport au genre biographique?
J’ai toujours rêvé d’écrire des romans, avant même de m’intéresser au journalisme. La lecture de la trilogie 1984 de l’auteur Éric Plamondon a été déterminante pour moi et une grande source d’inspiration comme autrice. Le lire m’a permis de comprendre qu’on pouvait raconter des histoires vraies et transmettre des informations factuelles tout en jouant avec les codes de la fiction. Plus tard, j’ai découvert que le roman biographique était un genre en soi, quoiqu’assez peu présent au Québec, et j’ai voulu m’inscrire dans cette mouvance-là.
À travers la vie de Guylaine Guy, on découvre l’industrie de la chanson, une industrie très masculine, dans laquelle la chanteuse se retrouve souvent avec des miettes. Quelle était la situation des femmes dans le show-business des années d’après-guerre?
Pas si différente de celle d’aujourd’hui, j’en ai bien peur. Comme journaliste musicale et DJ, j’ai moi-même fait les frais de comportements déplacés depuis mes débuts, il y a une dizaine d’années. Je n’ose pas imaginer ce que les femmes qui montent sur scène doivent encore endurer. Ces choses sont très tabous, les artistes n’en parlent que très peu, de peur de perdre leurs acquis, par crainte qu’on ne les rappelle pas pour tel festival, telle émission. Les histoires qui émergent dans l’espace public, ce n’est que la pointe de l’iceberg.
Cela dit, Guylaine a vécu bien avant le mouvement #MeToo, qui, à mon sens, a éveillé les consciences dans l’industrie du spectacle. Mais après les beaux mots des diffuseurs et des organismes, après les prises de position des artistes eux-mêmes et des chroniqueurs dans les médias… on fait quoi? Je trouve, je n’ai pas peur de le dire, que le milieu est gangréné par l’hypocrisie. D’une part, on pousse et encourage les femmes à dénoncer leurs agresseurs et, de l’autre, on continue à inviter des chanteurs au comportement problématique à se produire en spectacle malgré les allégations qui planent sur eux.
Quand je doute, que je rencontre des difficultés dans ma vie professionnelle, je me demande souvent: “Qu’est-ce que Guylaine ferait?”
Extrait de l’entretien
Guylaine Guy a choisi de faire carrière en France et a connu le succès aux États-Unis, mais elle semble relativement oubliée au Québec. Pourquoi vous êtes-vous intéressée à elle?
Si j’ai porté ce projet pendant ces six années, sans financement ni même la promesse d’être publiée au départ, c’est parce que je croyais fermement à son étoile. Il faut que les gens connaissent Guylaine Guy, c’est une géante. J’espère que ce livre lui permettra de sortir de l’ombre et de trouver la place qu’elle mérite dans l’histoire de notre musique. Il est plus que temps. Guylaine aura quatre-vingt-treize ans ce 6 avril et j’aimerais qu’elle puisse recevoir toute cette reconnaissance de son vivant, même si son état de santé ne lui permettra pas de lire le livre.