Magali FavreD’Iberville contre vents et marées

Pierre Le Moyne d’Iberville, cet aventurier dont il faut préserver la mémoire.

Notre entretien
avec Magali Favre

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser au personnage de Pierre Le Moyne d’Iberville? Qu’est-ce qui vous a interpellée chez ce personnage au point d’avoir envie d’écrire un roman à son sujet?

J’écris depuis toujours des romans jeunesse historiques. À chaque fois, mon objectif est de sortir les jeunes lecteurs de l’actualité et de leur quotidien. De les faire voyager dans le temps. De les dépayser. Pour qui s’intéresse à l’histoire du Québec et de la Nouvelle-France, d’Iberville est incontournable. C’est un héros de roman idéal! Explorateur, coureur de bois, corsaire au service du roi de France, il n’a jamais perdu une seule bataille. Il fait partie des hommes qui ont fait notre histoire et dont il importe de préserver la mémoire.

 

D’Iberville est une figure relativement peu connue, en tout cas moins que d’autres explorateurs de la Nouvelle-France. Qu’est-ce qui le distingue, selon vous, des figures que nous connaissons mieux aujourd’hui?

D’Iberville est peut-être moins connu aujourd’hui, mais les générations qui nous ont précédés le connaissaient très bien. En 1967, Radio-Canada a même produit, en collaboration avec des organismes français, belge et suisse, une série dont il était le héros et qui a été très populaire auprès du jeune public. Dans les bancs de neige, on jouait à d’Iberville et on se battait contre les Anglais!

Ce qui distingue d’Iberville des autres explorateurs de son époque, c’est qu’il est de la première génération née en Nouvelle-France. Il est également issu d’une famille hors du commun: les Le Moyne. Presque tous les enfants de Charles Le Moyne ont eu une destinée exceptionnelle. Jean-Baptiste de Bienville, par exemple, a été le premier gouverneur de la Louisiane. C’est d’ailleurs à ses côtés que d’Iberville a découvert l’embouchure du Mississippi.

D’Iberville a par ailleurs une vision véritablement continentale de la Nouvelle-France, au point de vouloir s’allier aux Espagnols à la fin de sa vie pour bouter les Anglais hors d’Amérique.


Écrire un roman historique n’est pas une mince affaire. Parlez-nous des recherches approfondies que vous avez dû faire pour construire votre roman.

J’ai d’abord lu toutes les biographies de D’Iberville, et tout particulièrement la plus récente et la meilleure, celle de Guy Frégault. J’ai ensuite consulté un grand nombre de documents numérisés à la Bibliothèque François-Mitterrand, à Paris, comme ses lettres au ministre de la Marine, son journal de bord lors de l’exploration du Mississippi, et les carnets du chevalier de Troyes, avec qui d’Iberville fit un premier voyage à la baie James. J’ai aussi consulté les cartes du XVIIe siècle. Je me suis enfin documentée sur le vocabulaire maritime. Comme dans mes romans précédents, j’ai tenté d’être le plus fidèle possible au vocabulaire de l’époque – cela fait partie du voyage!


[Pierre] comprend que sa vie est en train de basculer. Il ne sera pas marchand, il ne sera pas habitant ni coureur de bois. Deux jours passés sur ce navire ont suffi à le convaincre. Il sera non seulement marin, mais capitaine de la Marine royale, rien de moins. La mer sera son fief.

Extrait du livre


Lors de vos recherches, quelle est la chose que vous avez apprise sur d’Iberville ou sur l’époque à laquelle il vivait qui vous a le plus surprise?

Il y a d’abord les conditions de vie très dures de cette époque. On imagine à peine la rudesse de la vie de nos coureurs de bois, des explorateurs et des marins. Comme l’écrivait le poète Alfred DesRochers, nous sommes les descendants « de race surhumaine / Race de violents, de forts, de hasardeux ». Je veux que les jeunes le sachent. Ensuite, d’Iberville s’inscrit dans la tradition humaniste de Champlain dans ses relations avec les peuples autochtones. Il signe des traités avec les tribus, il apprend leur langue et leur manière de combattre, s’appuie sur leur connaissance du territoire dans ses explorations. Il est toujours en leur compagnie et entretient des liens amicaux avec eux. Il est l’exemple du rapport très particulier que la Nouvelle-France a entretenu avec ses alliés amérindiens.

 

Le territoire occupe une grande place dans le roman – presque autant que d’Iberville lui-même –, et on sent dans l’écriture un grand amour des paysages d’ici. L’écriture de ce roman vous a-t-elle permis de découvrir le Québec sous un nouveau jour?

J’ai parcouru le Québec de long en large et, chaque fois, j’ai tenté d’imaginer ce que pouvaient éprouver les premiers explorateurs lorsqu’ils ont découvert ces territoires alors situés aux confins du monde connu. Il est important de faire ressentir aux jeunes la rudesse, mais aussi la beauté des territoires qu’ont explorés leurs ancêtres. Lorsqu’on regarde les cartes de cette époque et qu’on voit les grands espaces vides de l’Ouest ou du Nord, on est pris de vertige. Le Québec moderne est l’héritier de ces hommes hors du commun qui ont parcouru de long en large son territoire.


Livre publié dans la collection « Boréal Inter ».