Serge BouchardUn café avec Marie

De courts essais qui rendent compte de la fulgurance
avec laquelle la vie nous traverse.

Notre entretien
avec Serge Bouchard

Intitulé Un café avec Marie, votre livre figure, même quand il ne le fait pas directement, les moments de complicité partagés avec l’être aimé qui est parti en 2020. L’écriture permet-elle d’apprivoiser le deuil ?

Évidemment, l’écriture est une thérapie. Mon écriture est une consolation. J’ai écrit Le Moineau domestique, mon premier livre, dans le cadre de la maladie fatale de ma première femme, morte il y a vingt-cinq ans. J’écris pour prendre mon angoisse à bras-le-corps. Il n’y a rien de bien original là-dedans. Écrire pour guérir. Chaque texte, à sa manière, est un point de suture. Car, la mort de Marie le montre bien : les grandes blessures se répètent, blessures ouvertes qu’il faut à chaque fois refermer.

Vous accordez une grande place aux mythes et à l’imaginaire dans la construction de notre histoire, qu’elle soit individuelle ou culturelle. La trajectoire humaine serait-elle à tout prendre une affaire inventée ?

Nous sommes des récits. À nous de faire notre histoire. L’histoire est une version des faits : choisissons le plus beau des mensonges. Si tu ne racontes pas ton histoire, un autre le fera à ta place. Et il se peut alors qu’elle soit moins glorieuse, sinon même oubliée.


 

J’écris pour prendre mon angoisse à bras-le-corps. Il n’y a rien de bien original là-dedans. Écrire pour guérir. Chaque texte, à sa manière, est un point de suture. 

Extrait de l’entretien


 

Selon vous, qui débusquez et écrivez si bien la poésie du monde, que viennent faire les mots dans notre société d’images ?

Les mots sont déjà des images. Avant le cinéma, nous nous faisions du cinéma. L’imaginaire était notre profonde capacité d’enchanter le monde. Aujourd’hui, à la profondeur de nos vues, nous préférons la surface de l’écran, qui est imagination toute faite. Le risque : ne plus jouer avec les mots.


Vous écrivez : « D’aussi loin que je me rappelle, j’ai aimé. » Iriez-vous jusqu’à dire que c’est la meilleure, et peut-être même la seule, manière d’appréhender la vie ?

L’amour est la réponse à tout. Or, le progrès technique et le confort individuel nous ont divertis de la quête de l’amour ou de la beauté. Nous sommes la civilisation du désamour.


 

Qui fréquente la mort, qui la frôle, qui la touche sentira le besoin naturel de se rassurer, de se consoler. Il semble que la plus belle façon d’y arriver soit de faire l’amour, de le faire comme si l’on vivait son dernier jour.

Extrait du livre


Livre publié dans la collection « Papiers collés ».