Notre entretien
avec Camille Bouchard
Parlez-nous d’Exploratus, votre nouvelle série jeunesse. Qu’est-ce qui a provoqué l’étincelle qui a mené à sa création?
Après avoir constaté le peu d’intérêt des jeunes pour l’histoire et, surtout, les lacunes abyssales de leurs connaissances en la matière, j’ai ressenti le besoin de rendre le passé cool à leurs yeux. Ma série précédente au Boréal, Le Siècle des malheurs, procède aussi de cette prise de conscience. Cependant, les récits qui forment cette saga se déroulent trois ou quatre générations avant mes jeunes lecteurs, ce qui n’est pas si éloigné dans le temps. Je voulais maintenant les emmener plus loin encore dans le passé tout en continuant à les captiver.
Vous allez souvent à la rencontre de vos lecteurs lors d’animations scolaires. Qu’avez-vous observé dans leur manière d’appréhender l’histoire?
Ça les ennuie, point barre. Je pense qu’ils sont un peu tannés que les romans les tirent de leur quotidien pour les emporter dans des époques dont ils ignorent tout. Les réactions les plus fréquentes se résument à : « Ça s’est passé tellement longtemps avant ma naissance. En quoi ça devrait me concerner ou m’intéresser? » Avec la série Exploratus, je me suis efforcé de ne pas les arracher à leur univers moderne. En fait, j’ai voulu faire l’inverse : faire apparaître dans le monde actuel des personnages qui ont vécu des siècles plus tôt. Ça donne des scènes assez rigolotes!
Et puis, à travers les réactions de ces figures historiques lorsqu’elles découvrent les mœurs contemporaines, j’essaie aussi de faire passer des messages de sensibilisation au sexisme ou au racisme, par exemple, et d’affirmer les valeurs de tolérance et de coopération qui ont permis d’asseoir nos démocraties actuelles. J’en profite également pour montrer aux jeunes lecteurs que rien n’est acquis et qu’il faut continuer d’entretenir ces valeurs et de se battre pour elles si on ne veut pas les perdre.
Avec la série Exploratus, j’ai voulu faire apparaître dans le monde actuel des personnages qui ont vécu des siècles plus tôt. Ça donne des scènes assez rigolotes!
Extrait de l’entretien
Dans le premier tome de la série, Les Grossièretés de Jacques Cartier, vous dressez un portrait pas toujours reluisant de l’explorateur! Parlez-nous de ce personnage.
À lire les journaux de voyage du navigateur (même si on n’est pas certains qu’il en soit vraiment l’auteur) et à parcourir les récits des chroniqueurs de son époque, j’ai été surpris de ne pas reconnaître en Cartier le grand héros visionnaire et sans reproches de mes années scolaires. En fait, je me suis retrouvé devant un homme qui me paraissait complètement dépassé par l’ampleur des missions que le roi François Ier lui avait confiées.
Bien sûr, Cartier était un marin hors pair qui maîtrisait parfaitement la haute mer – il détient d’ailleurs l’un des records de traversée de l’Atlantique au XVIe siècle. Mais c’était un piètre meneur d’hommes, peu diplomate et inconséquent. Il a pris des décisions impulsives et irréfléchies, et n’avait pas du tout l’étoffe pour ériger une colonie en Amérique. Encore moins pour la maintenir! D’ailleurs, François Ier l’avait compris quand il a nommé Jean-François de La Rocque de Roberval à la tête de la troisième expédition – au grand dam de Cartier, qui a déserté la colonie. C’est cet homme imparfait, brouillon, maladroit, amer et boudeur que j’ai voulu présenter à mes lecteurs. Ça déboulonne le héros, forcément, mais on n’en est pas à un déboulonnage près ces temps-ci, non?
C’est important pour vous de déconstruire les mythes?
C’est important pour moi de présenter les choses telles qu’elles sont (ou qu’elles ont été). Si je voulais parler de Jacques Cartier à mes lecteurs, je ne pouvais pas décrire ce superhéros de mes anciens cours d’histoire; je devais dépeindre un homme rempli de doutes, au parcours parsemé d’erreurs. Évidemment, je garde toujours à l’esprit que certains comportements de l’explorateur, qui lui vaudraient aujourd’hui d’être entendu devant le Tribunal des droits de la personne, étaient monnaie courante à son époque. Quand on écrit sur le passé, il est important de tenir compte des mœurs d’une société à un moment précis de son histoire sans trop la juger avec notre regard du XXIe siècle.
Quels explorateurs peut-on s’attendre à rencontrer dans les tomes suivants?
Sans rien dévoiler des intrigues à venir, et en me gardant toujours le privilège de modifier mes projets en cours de réalisation, je peux dire que les lecteurs pourraient côtoyer dès les premiers tomes François de La Rocque de Roberval, Fernand de Magellan, Juan Sebastián Elcano, l’amiral chinois Zheng He et Christophe Colomb.
Salut, moussaillon!
[…]
Je me retourne brusquement. Un type est assis dans un fauteuil à l’autre bout de la pièce.
Il n’était pas là tantôt, je le jure! J’en suis archisûr. Hyper-méga-certain qu’il n’y avait personne là quand je suis entré.Extrait du livre
Livre publié dans la collection « Boréal Junior ».