David ClicheUn seul Québec

Celui qui respecte devient respectable.

Extrait de la préface
de Max Gros-Louis

À la fois homme de l’ombre et homme public, David Cliche a, tout au long de sa vie, tenté d’harmoniser les rapports entre les Autochtones et le peuple québécois.

David a été un intervenant de premier ordre au Québec quant aux questions autochtones et environnementales, particulièrement dans les années 1970, dans le contexte des projets hydro-électriques de la Baie-James, et dans les années 1990, de la crise d’Oka à la Paix des braves. Durant une partie importante de cette période, j’étais moi-même le grand chef de la nation huronne-wendate et le président de l’Association des Indiens du Québec. Nous avons souvent croisé le fer concernant les droits et les intérêts des Premières Nations, dont ceux des Cris, pour lesquels j’ai été à l’origine de la demande d’injonction interlocutoire et eu gain de cause dans le jugement Malouf contre la Société de développement de la Baie-James, ce qui a paralysé les travaux et obligé à la négociation de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. David Cliche a plus tard convaincu Jacques Parizeau de mettre un point final au projet Grande-Baleine en raison des effets médiatiques négatifs externes que celui-ci avait entraînés pour la cause indépendantiste.

 

Nous avons aussi eu maille à partir concernant la démarche d’accession à la souveraineté du Québec et le droit à l’autodétermination des Premières Nations, dont David Cliche assumait en très grande partie la responsabilité pour le Parti québécois, d’abord sous le gouvernement Parizeau, ensuite sous le gouvernement Bouchard. Les ententes de gouvernance régionale avec la Société Makivik, l’entente sur la chasse au gros gibier dans le Nionwentsïo de ma nation et la proposition globale de traité faite par le Québec aux Atikamekw et aux Innus-Montagnais ont été conclues sous son influence.

[…]

Il était à l’occasion un peu arrogant et en même temps sympathique. Il maîtrisait parfaitement ses dossiers, était franc et honnête. Sa plus belle qualité était de savoir prendre en compte les droits et les intérêts des Premières Nations tout en recherchant le difficile équilibre avec ceux des Québécois. Il était respecté, je dirais même apprécié, de chefs tels Joe Norton de Kahnawake et Billy Diamond du Grand Conseil des Cris du Québec, de même que de moi-même et de plusieurs autres leaders. Encore jeune, il a dénoncé dans ses écrits la façon dont les gouvernements avaient accaparé d’immenses territoires nordiques et dont la Loi sur les Indiens avait contribué à la sédentarisation des Autochtones dans des réserves, conduisant la plupart d’entre eux à la pauvreté. J’ajouterais, comme je l’ai déjà fait devant des millions de téléspectateurs à l’émission de grande écoute française Sacrée soirée, que cette loi était et est toujours à tendance génocidaire parce qu’elle vise à nous faire disparaître, de même que nos droits fondamentaux. Elle a dépossédé et infantilisé les Premières Nations. Heureusement, nous ne nous sommes pas laissé faire, et j’ai été le premier à parcourir le Québec, le Canada et une partie du monde pour dénoncer cette situation.

[…]

Je termine en réaffirmant le désir constant du fier et grand Beauceron qu’est David Cliche de chercher à concilier les intérêts du Québec avec ceux de nos peuples. Il a agi dans le respect des différences de points de vue politiques concernant la souveraineté territoriale du Québec et celle des Premières Nations. Il n’a pas toujours réussi cette conciliation, mais il a le mérite d’avoir honnêtement essayé. Il a certainement été un grand patriote québécois pour avoir porté au plus haut niveau la cause et les droits du pays dont il a rêvé, tout comme j’ai essayé de le faire du mieux que j’ai pu pour ceux de nos Premières Nations. Ici comme dans l’éternité, nous continuerons sans doute encore quelque temps à rêver de paix et d’amitié, de même que de ce grand fleuve où nous canoterons ensemble, non sans que je rappelle à David que mon nom officiel de grand chef est celui de Oné Onti, le bon pagayeur.

Je considère que le présent livre est d’une grande utilité pour comprendre les principaux enjeux (et leurs dessous) qui ont présidé aux relations entre les Premières Nations et le Québec des années 1970 à aujourd’hui. Je le recommande à tout lecteur avisé.

Tiawenk,

Chef Oné Onti Max Gros-Louis