Michael DelisleRien dans le ciel

Huit nouvelles qui interrogent le caractère énigmatique de nos vies.

Notre entretien
avec Michael Delisle

Les huit nouvelles de votre recueil abordent des thèmes plutôt sombres, comme la rupture, le suicide, la vieillesse, la maladie. Êtes-vous un écrivain qui aime côtoyer les zones d’obscurité, pressentant y dénicher une plus grande part de vérité que si vous étiez resté en pleine lumière ?

Le thème du recueil est celui de la fin. C’est le thème qui impose cette couleur au livre. J’imagine mal une conscience de la fin qui ne comporte pas une part de tristesse ou de mélancolie. Même la nostalgie peut devenir nécessaire au deuil. Par ailleurs, je n’associe pas la lumière au bonheur. Au contraire, parce que la lumière montre, elle peut être cruelle.

 

Au fil de ces histoires où le désenchantement domine, qu’avez-vous trouvé finalement qui a pu changer votre perspective en tant qu’homme et en tant qu’écrivain ?

J’écris pour trouver des réponses. Ce que l’écriture m’a montré une fois de plus (parce qu’on passe sa vie à refaire la même découverte), c’est que notre vie n’a de sens que par l’existence d’un autre. Charité, empathie, amour… tout ça se réalise dans un contact réel avec mon prochain. Bien que nécessaire comme ressourcement, la méditation solitaire me semble toxique quand elle s’étale sur une existence. C’est une question que se posent plusieurs de mes personnages.


En s’attardant à votre écriture, on remarque que c’est souvent à travers les détails qu’une situation se dessine, s’installe et vit. Croyez-vous qu’en écriture, à l’instar du peintre devant son chevalet, c’est en exécutant les traits les uns après les autres que le portrait prend forme ?

Il m’arrive de décrire un geste avant de savoir dans quelle histoire ce paragraphe va se retrouver. Comme un peintre peut le faire, je suppose, en dessinant une main avant de savoir dans quel tableau cette forme va trouver sa place. Le genre de la nouvelle a également une économie serrée. Chaque geste peut avoir une présence aussi forte qu’un mot dans un poème.


 

J’écris pour trouver des réponses. Ce que l’écriture m’a montré une fois de plus (parce qu’on passe sa vie à refaire la même découverte), c’est que notre vie n’a de sens que par l’existence d’un autre. 

Extrait de l’entretien


 

Vos personnages sont des hommes d’un certain âge qui vivent des moments charnières. Était-ce une façon d’unifier les nouvelles?

L’unité du recueil s’est imposée d’elle-même. J’étais habité par ces questions depuis trois ans. Tout ce que j’écrivais participait du même thème. Cela dit, pour ce recueil, j’ai évité ce qui pouvait avoir des airs d’autofiction ou de témoignage. Ces aspects étaient présents dans Le Feu de mon père et un peu dans Le Palais de la fatigue. Rien dans le ciel est clairement, résolument, un travail de fiction.


L’humour demeure très présent tout au long des différentes histoires, même si on pourrait le qualifier de mordant la plupart du temps. Justement, en constatant la vacuité du ciel, êtes-vous de ceux qui croient qu’il est mieux d’en rire que d’en pleurer ?

Pour l’humour, je suis un client difficile. Quand j’en fais, j’ai l’impression que ça m’échappe. Avec mon genre de sujet, l’ironie doit être mesurée avec précaution. Parce qu’elle implique une mise à distance de l’objet, elle peut être périlleuse dans le récit d’un personnage qui affronte le monde corps et âme ou qui se trouve bouleversé par un événement. Un personnage qui demeure dans l’ironie devient alors comme un acteur qui refuse de jouer.

Et puis, je crois que la tragédie peut nous en apprendre davantage parce qu’elle nous laisse avec des questions.


 

J’ai traversé la forêt jusqu’au fleuve et, rendu devant les flots, j’ai choisi un rocher, le plus gros, une immense pierre schisteuse, et je suis allé m’asseoir dessus pour pleurer et, si mon état s’y prêtait, pour prier. 

Extrait du livre