Notre entretien avec Sandra Dussault
Dans la série Justin et les malcommodes, vous abordez les relations intergénérationnelles entre enfants et aînés. À votre avis, pourquoi est-ce que si peu d’auteurs s’intéressent à cette thématique? Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en parler?
J’ai choisi cette thématique justement parce que très peu l’avaient fait avant moi. Je ne peux pas parler pour eux, mais peut-être que les auteurs ne sont pas portés à mettre en scène des personnes âgées parce qu’ils ont l’impression qu’il ne pourra pas y avoir d’action dans leur histoire et que ça risque d’être ennuyant. Que ce n’est pas accrocheur, que les jeunes ne seront pas attirés par leur roman.
Mais, de toute évidence, il y a des lecteurs qui sont intéressés par mes malcommodes! Et je ne pense pas que leurs aventures soient ennuyantes…
C’était la première fois que vous écriviez pour un public plus jeune après plusieurs romans pour adolescents. Qu’est-ce qui vous en a donné envie? Comment s’est déroulée l’expérience?
J’avoue qu’au départ c’était dans un but purement pratique : je voulais écrire un roman jeune public pour pouvoir aller faire des animations au primaire, dans le cadre du programme La Culture à l’école. Pour l’instant, je ne vais que dans les écoles secondaires. Mais une fois lancée, je me suis rendu compte qu’il y avait des avantages à écrire pour les plus petits. D’habitude, mes romans sont très longs et très touffus, et parfois je trouve ça contraignant, exigeant. Avec Justin, c’était plus léger. J’ai pu laisser aller mon imagination et y mettre beaucoup d’humour. J’ai adoré ça! J’avais l’impression de pouvoir raconter à peu près n’importe quoi, sans me soucier d’exactitude ou de vraisemblance. Des manèges sans ceintures de sécurité? Pourquoi pas! Une fillette qui vit dans une maison de hobbit? Allons-y! Une enseignante qui ne se rend pas compte qu’il y a dix personnes de trop dans sa classe? Ça, c’est très drôle…
Dans L’Étonnante Visite dans la classe de mademoiselle Aglaée, vous touchez (tout en restant dans l’humour et la légèreté) à des thèmes plus sombres, comme la solitude chez les aînés et la démence, dont souffre le personnage d’Yvon. Comment avez-vous décidé d’aborder ces sujets pour un public de jeunes lecteurs?
Ce n’était pas du tout dans un but d’éducation ou même de sensibilisation. J’aborde à peine ces sujets parce que ce n’est pas le but de mes romans. Mais il me semblait important, dans un souci de réalisme, qu’un personnage mentionne par exemple qu’il est triste de voir disparaître petit à petit les gens de son âge, qu’il se sent parfois délaissé par ses proches. Certaines personnes âgées ne reçoivent que peu ou pas de visites de leurs enfants, pour toutes sortes de raisons.
Quant à Yvon, au départ je n’avais pas l’intention de lui donner une si grande place. C’était juste un personnage un peu loufoque qui répétait toujours : « Savez-vous jouer au Rigadi Dou Dou? » D’ailleurs, dans le premier tome, on ne le voit pas beaucoup. Mais les enfants l’aimaient bien et j’ai décidé de pousser un peu plus loin son personnage, de montrer sa vulnérabilité et sa perte de contact avec la réalité.
Je suis enseignante au préscolaire ou au primaire depuis plus de vingt-cinq ans, alors des petits Justin, j’en ai vu passer plusieurs : des enfants doux, rêveurs, qui ont peu ou pas d’amis, mais qui seraient prêts à tout pour plaire et pour donner un coup de main aux gens qui les entourent.
Extrait de l’entretien
Est-ce que le personnage de Justin ou ceux des malcommodes sont inspirés de personnes réelles?
Je suis enseignante au préscolaire ou au primaire depuis plus de vingt-cinq ans, alors des petits Justin, j’en ai vu passer plusieurs : des enfants doux, rêveurs, qui ont peu ou pas d’amis, mais qui seraient prêts à tout pour plaire et pour donner un coup de main aux gens qui les entourent. Ces enfants sont souvent effacés à l’école, et dans le feu de l’action d’une classe, on les oublie presque. Écrire cette série a été une façon de leur donner la vedette!
Pour ce qui est des malcommodes, mes deux grands-mères m’ont assurément servi de modèles. Je me souviens qu’elles n’avaient pas la langue dans leur poche, qu’elles avaient de fortes personnalités et beaucoup d’humour, un peu comme Bibine!
Au terme de la série, pour qui pensez-vous que cette rencontre improbable a été la plus déterminante? Justin ou les malcommodes?
Je crois qu’en fin de compte l’arrivée des malcommodes dans la vie de Justin l’aura beaucoup aidé à prendre sa place dans le monde et à renforcer sa confiance en lui. Il avait l’habitude de faire le moins de vagues possible pour éviter qu’on le remarque mais, sans révéler le punch final de la série, il deviendra quelqu’un d’important dans sa communauté, tant à l’école qu’au Bercail. Les malcommodes lui ont fait une place parmi eux et, sans le savoir, ils l’ont poussé à devenir une meilleure personne!
Tome 3 de la série Justin et les malcommodes
Livre publié dans la collection « Boréal Junior »