Reynald CantinLes Bulles

Un grand tourbillon de bulles touchant et délicat
pour affronter les dures vérités de la vie, et pour rire aussi.

 

Notre entretien
avec Reynald Cantin

Les Bulles est un roman un peu atypique. Comment le décririez-vous?

Certes, un peu atypique. Mais pas dans mon cas, je dirais. Depuis toujours, mes récits sont traversés par des thèmes délicats qui habitent la vie intérieure et souvent secrète des jeunes qui atteignent l’adolescence. Avec Les Bulles, je n’avais d’autre but que de raconter le vécu d’une petite fille troublée par le comportement inhabituel de sa mère qui revient d’une soirée où elle a pris un peu trop de champagne. Le père, taquin, tente de rassurer l’enfant en lui faisant croire qu’une fée (Pompette) habite le cœur de sa maman. Cette blague, que Sophie refuse d’abord de croire, la gagnera peu à peu et elle s’y laissera prendre, ce qui lui permettra de recevoir en toute innocence, telle l’enfant qu’elle est encore un peu, l’immense chagrin de sa mère jadis maltraitée.

Dans sa naïveté, Sophie reçoit ce lourd passé sous forme de « bulles » libératrices qui s’élèvent, éclatent et s’évanouissent sous ses yeux encore neufs. Elle n’entend pas les détails, ne veut pas les entendre, mais accueille avec le cœur l’ultime chagrin de sa mère.

Malgré tout, je propose un roman léger, fantaisiste, où jaillissent les « bulles » les plus diverses… tristes, drôles, touchantes. Et aussi quelques bulles bien réelles.

Pourquoi vous semblait-il important d’écrire ce roman?

J’ai toujours écrit des histoires où le personnage principal évolue et devient, à la fin, une meilleure personne. Je souhaite ainsi que le lectorat ressente, dans le silence qui suit la dernière ligne, l’agréable sensation d’avoir grandi. La réussite de tels récits dépend de l’identification au personnage. Les Bulles a été conçu dans cet esprit.

Ici, Sophie, jeune fille impatiente de grandir (comme tant de jeunes), se voit soudain plongée dans une situation qui la dépasse. Elle doit tout accueillir avec son cœur d’enfant. Au lieu de penser, elle ressent et se libère ainsi de l’urgence de grandir.

À mes yeux, il est important d’exprimer aux jeunes qu’il est préférable de vivre son âge. Les Bulles, je l’espère, porte ce message.

 

Sous un couvert assez léger, le roman touche à des sujets sérieux. Est-ce qu’il a été difficile de maintenir cet équilibre?

La violence familiale n’est pas le thème de ce roman. Le moteur, certainement.  Mais il s’agissait plutôt de parler de la fin de l’enfance, et de la vie intérieure de Sophie.

Avec la complicité de mon éditrice, Catherine Ostiguy, que je salue ici, l’équilibre a été progressivement trouvé. De petite fille, Sophie est devenue jeune fille, de sorte que le sujet sous-jacent de la violence familiale est devenu, bien que délicat, plus facile à aborder dans des mots d’enfant. D’innombrables petits ajustements furent apportés au fil des diverses versions, mais le vécu intime de Sophie est demeuré au cœur du roman.

Ainsi naquit Les Bulles. C’est sous ce titre réjouissant que je propose aujourd’hui ces quelques heures décisives dans la vie de Sophie… et de sa mère.


 

À mes yeux, il est important d’exprimer aux jeunes qu’il est préférable de vivre son âge. Les Bulles, je l’espère, porte ce message.

Extrait de l’entretien


 

Vous avez plusieurs romans derrière la cravate. Quelle est votre plus grande fierté, comme écrivain? Et quel serait le plus beau compliment qu’on pourrait vous faire?

Je l’avoue : malgré les années, je demeure fier d’être écrivain et j’adore les compliments.

Depuis 1985 (j’étais alors prof de français au secondaire), j’écris des romans. Les premiers, dits miroirs à l’époque, étaient collés à la réalité adolescente québécoise des années de « polyvalente ». Ma première héroïne s’appelle Ève Paradis. Toujours vivante chez Québec Amérique, elle demeure une de mes grandes fiertés et m’a très souvent valu cet immense compliment : « Grâce à vous, j’aime lire maintenant! »

Aujourd’hui, ma plus grande joie est devenue celle que je ressens lorsque je suis invité en classe. En un sens, je propose toujours la même animation, mais ces rencontres prennent les chemins les plus variés. Elles sont, au bout du compte, ma plus grande fierté d’écrivain.

Parfois, lors d’un silence qui se prolonge, je pose cette question impromptue : « On est bien, là, ensemble, hein? » Les « oui! » qui montent alors représentent pour moi le plus grand compliment.

 

Vous voyez donc des liens entre vos romans, même s’ils ont été écrits pour des lecteurs différents?

En fait, je crois que j’écris toujours le même roman. Les Bulles le confirme. Sophie me paraît en effet l’héritière lointaine d’Ève Paradis qui se retrouve enceinte à quinze ans et devant un choix vertigineux qui se résout, là encore, par l’apaisement que procure la sage décision de vivre sa jeunesse sans brûler d’étapes. Oui, toujours le même roman. Mais jamais la même histoire.


 

Mon père, vois-tu, c’est un comique. Des fois, maman dit que les grosses blagues de papa vont trop loin. Moi, petite, je ne comprenais pas comment une blague pouvait aller loin. Ou être grosse. Aujourd’hui, je comprends.

Extrait du livre


Livre publié dans la collection « Boréal Junior ».